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L'école de la république : l'école pour (presque) tous les enfants

par sonia

Quand je parle de guerre on est en droit de penser que j'exagère et j'aimerai bien exagérer en effet. Mais la réalité est telle que c'est bel est bien une guerre qu'on entreprend pour faire respecter les droits de nos enfants afin de leur offrir un avenir meilleur avec un maximum d'autonomie et d'indépendance.

La première bataille pour un vrai diagnostique fut stressante , la bataille contre la MDPH fut éreintante mais tout ceci n'est rien face à celle pour la scolarisation en milieu ordinaire d'un enfant autiste. C'est la phase la plus déstabilisante et la plus hallucinante de tout le parcours de skander.

Skander est né en 2008, il aurait dû intégrer une classe de petite section en septembre 2011. Pour ce faire, j’ai, dès le mois de février 2011, pris contact avec la directrice intérimaire de l’école maternelle de notre secteur, école où ma fille aînée était déjà scolarisée, afin de lui parler de l’inscription de Skander et des démarches à entreprendre en vue de son intégration. Cette directrice a pris le temps de me recevoir et de m’aider aux démarches à entreprendre afin que nous puissions organiser une équipe éducative. Elle fut d’une aide précieuse et d’une efficacité redoutable. Une fois que toutes les démarches administratives furent terminées, je reviens vers la directrice qui devait passer le relais à la directrice titulaire, qui occupera son poste de chef d’établissement sous quelques jours.

Quelques jours après l’arrivée de la nouvelle directrice, je lui demande un rendez-vous afin de pouvoir discuter avec elle de la suite des démarches déjà entreprises. Elle était souriante et accueillante, elle me proposa même d’attendre un peu que tout le monde sorte de l’école afin qu’on puisse en discuter ensemble. Jusqu’ici, tout allait très bien, je me disais même que tous ceux qui se plaignaient des écoles et des enseignants devaient avoir eu à faire à des imbéciles et qu’heureusement ce n’est pas le cas partout. Nous nous installons donc dans son bureau et la directrice, avec un grand sourire, me demande de quel handicap est atteint mon fils, je lui réponds qu’il est autiste. Son visage se ferme, son sourire se transforme en grimace, elle fronce les sourcils et me dit : « oh mon dieu, ils sont très difficiles ceux-là ! ». Un choc, un coup de massue, une tornade viennent de détruire mon enthousiasme et tous mes espoirs. Comment peut-on parler ainsi d’un petit être innocent, venant tout juste de faire ses premiers pas dans la vie ? Comment peut-on avoir des mots aussi durs envers un enfant qu’on ne connait pas ? Comment peut-on passer d’une femme délicieuse et avenante à un être aussi abject et répugnant ? Ayant le souffle coupé et ne pouvant pas parler, je n’ai pu que verser des larmes intérieurement. Je n’arrivai pas à exprimer ma désillusion et ma tristesse face à cette attaque. Je suis donc partie sans un mot, tête baissée et le cœur broyé.

Ne pouvant pas accepter de tels propos, le lendemain, je croise la directrice dans les couloirs de l’école et je lui demande tout simplement d’accomplir son rôle de chef d’établissement, en faisant le nécessaire afin qu’une réunion éducative puisse être mise en place en vue de la scolarisation de Skander. Elle le ferait quand elle aurait le temps, voilà sa réponse. Je prends donc l’initiative de contacter moi-même l’enseignant référent ainsi que le médecin scolaire. Ces derniers étant injoignables pour le moment, je reviens vers la directrice afin qu’elle fasse son travail correctement et dans le respect des droits de mon enfant. Elle me donne donc une première date pour cette réunion, date qui s’avéra fictive, puisque le médecin scolaire n’en avait pas été informé et donc ne pouvait pas être présent ce jour-là. Je reviens donc vers la directrice, qui me redonne à nouveau une date, qui s’avéra elle aussi fictive, car l’enseignant référent était en stage à cette date et donc indisponible.

La tristesse se transforma petit à petit en colère, je pris donc la décision de faire appel au supérieur hiérarchique de la directrice, l’inspectrice académique de ma circonscription. Cette personne, fut outrée et choquée par tout ce qu’il s’est passé durant deux mois. Elle a donc fait le nécessaire afin que ce harcèlement psychologique cesse au plus vite. Son intervention eut un effet magique, le lendemain, alors que j’accompagnais ma fille ainée à sa classe, la directrice me remit une convocation m’invitant à participer à la réunion éducative en vue de la scolarisation de Skander. On aurait pu se dire que tout est bien qui finit bien, mais c’était sans compter sur la ténacité de la directrice qui ne voulait pas s’avouer vaincue. La réunion fût houleuse, épuisante et stressante. On me parlait de manque de moyens humains, hors Skander devait être accompagné à l’école par une accompagnante former à l’autisme et aux méthodes éducatives et elle était rémunérer par nous, les parents. Comme elle n’a pas pu placer cet argument, elle a essayé de faire passer les enfants de maternelle pour, je cite, des « monstres ». Ma fille étant scolarisé dans cette école depuis deux ans, je lui rétorque que ni ma fille ni ses camarades n’ont l’air des psychopathes en puissance. Et ce fut comme ça durant deux longues heures, une vraie joute verbale au sujet de l’intégration des enfants autistes. Mais à aucun moment, on ne m’a demandé qui était Skander, qu’elle était sa prise en charge actuel, quelles étaient ses compétences, ses difficultés, ses troubles. Au bout de deux heures, il était convenu que Skander serait scolarisé deux heures par jour (au lieu de deux par semaines comme le souhaitait la directrice) et il était convenu qu’on se réunirai à nouveau afin de mettre en place les modalités d’intégration de Skander.

Au mois de juin 2011, je reviens vers la directrice, en lui demandant de mettre en place la réunion comme convenu et ce très aimablement et très poliment. Elle se mit à hurler dans le couloir, comme une hystérique « vous en faites beaucoup pour un autiste alors qu’il n’a même pas sa place à l’école ! ». Ce fût plus fort que moi, je l’avoue, je l’ai insulté et je lui ai déversé toute ma haine et ma colère, mais aussi tout mon désespoir. Puis ce fut le tour de mon mari, qui y alla le lendemain et devant l'impertinence de la directrice lui fit savoir que nous l'attaquerons en justice. Cette femme très aimable et très classe traita mon mari de "con". S'en est trop et je décide d'en faire part à l'inspectrice académique mais fatiguée, épuisée et attristée, je décidai d’abandonner l’idée de scolariser Skander. Je ne pouvais plus continuer à supporter ces attaques incessantes et surtout je m’inquiétais pour Skander s’il aurait dû être dans la classe de la directrice. Skander fût donc privé d’école ordinaire et publique, toute cette année scolaire de 2011/2012.

En septembre 2011, il a intégré une école privée pour enfants autistes. Cette structure n’est pas du tout le lieu idéal pour la socialisation dont les autistes ont tant besoin, mais au moins il avait un lieu où il pouvait avoir accès aux apprentissages et où il n’était plus du tout rejeté.

Mais durant cette année, j’en ai profité pour m’informer et me documenter sur les droits de mon enfant, sur la loi de 2005 et sur les recours à ma disposition si cela devait à nouveau se reproduire (merci au collectif EGALITED). Je pris donc contact avec la directrice d’une autre école maternelle de ma commune en février 2012, elle était au courant du scandale dont Skander a été victime et a été très chaleureuse et s’est investie afin que nous puissions mettre en place une équipe éducative en vue de la scolarisation de Skander en septembre 2012. En mois d’un mois, la date fût posée et nous devions tous nous réunir le 27 mars 2012. J’étais donc sereine et surtout très reconnaissante envers la directrice et l’enseignant référent qui ont tout fait pour que cette réunion ait lieu au plus vite afin que le jour de la rentrée Skander puisse, d’un point de vu administratif, faire ses premiers parmi ses pairs.

Le 27 mars étaient donc présents, la directrice, l’enseignant référent, le médecin scolaire, la psychologue de Skander, la psychologue scolaire et une institutrice. Tout le monde était détendu, souriant et dans de bonnes dispositions, moi y compris. C’était le cas jusqu’à l’intervention de l’institutrice, qui s’adressa à moi en demandant, je cite « pourquoi tenez-vous à scolariser votre enfant? Qu’attendez-vous de l’école publique? ». J’étais abasourdie par sa question, mais j’ai réussis à garder mon calme et à lui expliquer pourquoi Skander devait être scolarisé en milieu ordinaire. Pour ne pas m’attirer les foudres de tout le monde, je ne mis pas la loi de 2005 en avant car bien sûr elle est difficilement applicable mais au moins elle a le mérite d’exister et de faire avancer les choses. J’explique donc que la Haute Autorité de la Santé préconise, quand cela est possible pour l’enfant, la scolarisation en milieu ordinaire en plus de la prise en charge comportementale et éducative, j’explique que du fait du manque de moyen à la disposition du corps enseignants et du manque de formation, Skander sera accompagné de son éducatrice, qu’il ira à l’école deux heures par jour car je suis bien consciente que pour l’instant il n’est pas en mesure de supporter plus, que grâce à l’école, il apprendra à vivre dans notre société malgré ses troubles, que les autres enfants sont un exemple précieux pour lui de par leur comportement dit « normal » et que comme tout enfant de notre pays il a le droit lui aussi à l’éducation et aux apprentissages. Bref, j’avais l’impression d’être l’avocat de la défense devant une cour d’assises.

Mon discours me semble censé et raisonnable, de plus, non seulement la Haute Autorité de la Santé lors de ses recommandations du 8 mars 2012 va dans ce sens, mais en plus la pédopsychiatre qui est chargé du suivi de Skander va dans ce sens aussi. Elle suit l’évolution, les progrès et les difficultés de Skander et en plus elle ne traite que des cas d’autisme donc elle sait de quoi elle parle. Mais ensuite, c’était au tour du médecin scolaire de me prendre à partie car son égo avait été touché, car elle estimait qu’elle aussi était aussi compétente que la pédopsychiatre de mon fils. Chacun sa spécialité, chacun sa formation, j’avais envie de dire, mais j’ai préféré lui demander si elle irait dire à un cardiologue ou un neurologue comment faire leur métier, je ne le pense pas. Tout ceci, a duré près de deux heures trente, durant tout ce temps, personne n’a demandé qui était Skander, à part la directrice. Durant tout ce temps, l’institutrice n’a pas arrêté de se plaindre de ses conditions de travail, du manque de moyens, des locaux trop petits, de la cour trop petite, des enfants insupportables qu’elle avait dans sa classe et beaucoup d’autres complaintes. Au bout de deux heures trente, nous étions tous d’accord pour que Skander entre à l’école une heure trente par jour et que le temps sera augmenté au fur et à mesure de ses progrès éventuels. Et à ce moment-là, l’institutrice émet une objection, elle estimait que Skander devait venir à l’école deux heures par semaine pour commencer. Incompréhension général, même l’enseignant référent, lui dit que c’est absurde, la psychologue de Skander, lui rétorque qu’à ce moment, il ne sert à rien que Skander vienne à l’école. Comme elle n’était pas contente, l’institutrice bougonnait et levait les yeux au ciel lorsque l’enseignant référent lisait le compte rendu de la réunion puis elle décida de partir, pour des raisons qui m’échappent mais peut être sont-elles valables. Cette réunion fût épuisante nerveusement car je ne comprenais pas pourquoi, l’institutrice avait ressenti le besoin de s’acharner sur moi. Elle a, tout le long de la réunion, exposé tous ses problèmes. Elle ne s’est apparemment pas posé la question concernant les miens, alors que c’est moi qui ait le plus de soucis au quotidien.

Peu de temps après cette réunion je rencontre l'inspectrice académique de ma circonscription qui m'explique que cette réunion n'aurait jamais dû avoir lieu car il fallait que je fasse une demande dérogation avant. Peu importe, elle me dit d'en profiter pour faire une demande de dérogation pour une autre école de ma commune. Cette école étant en ZEP, l'inspectrice académique me la conseille car les effectifs ne peuvent pas dépasser 25 élèves par classe et qu'elle pense que c'est l'idéal pour Skander. J'acquiesce et la remercie du fond du cœur pour son soutien infaillible.

La dérogation est accordée, nous rencontrons la directrice et la psychologue scolaire qui sont pleines de bonnes intentions mais qui ont vraiment besoin d'apprendre ce qu'est l'autisme : qu'à cela ne tienne nous donnerons les moyens nécessaires à cette école pour accueillir Skander dans de bonnes conditions et pour les aider à apprendre et comprendre l'autisme. Malgré quelques faux pas et quelques débats je dois dire que depuis son arrivée dans cette école maternelle en septembre 2012, Skander est respecté, apprécié et encouragé par l'équipe enseignante de cette école mais surtout par les enfants qui sont tous extraordinaires avec Skander.

Pourvu que ça dure!

L'éducation est votre arme la plus puissante pour changer le monde

Nelson Mandela

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